La récente tenue du salon BIM World à la Défense les 29 et 30 mars dernier nous donne l’occasion de revenir sur cette technique de construction, devenue obligatoire en France cette année pour les marchés publics.
BIM est un sigle anglophone qui désigne la « modélisation des données du bâtiment » (building information modeling). Il s’agit de maquettes numériques permettant d’intégrer, de produire, de gérer et de visualiser les données liées à la construction.
Le BIM existe depuis plus d’une décennie ; il est obligatoire et déjà fortement implanté aux États-Unis et au Royaume-Uni. Les problématiques d’échanges d’informations entre corps de métiers sont à l’origine des premières représentations numériques du bâtiment, comme le proposait l’éditeur AutoDesk. La première mise en œuvre reconnue comme relevant du BIM date de la fin des années 1980.
La montée en puissance de calcul des ordinateurs et des modèles mathématiques dans la conception assistée par ordinateur (CAO) ont rendu possibles des logiciels toujours plus performants et complets. Et, dans un contexte de recherche de réduction de l’impact sur l’environnement, le BIM représente un atout pour la construction et la rénovation immobilières.
Collectivité, particulier, entreprise, commerce… tous ont été confrontés à des problèmes et des retards lors de la construction de projets immobiliers. Lorsque la plupart des tâches sont sous-traitées par de multiples entreprises, une mauvaise organisation ou des pertes dans l’usage des matériaux peuvent survenir. Le National Institute of Standards and Technology a ainsi estimé que 16 milliards de dollars pouvaient être économisés chaque année aux États-Unis si l’on utilisait un logiciel unique pour concevoir les bâtiments.
En France, on pense au chantier du Musée des confluences à Lyon, théâtre de nombreux dysfonctionnements ; au final, cette construction aura coûté 267 millions d’euros de plus qu’initialement prévu.
La modélisation via la méthode BIM permet d’éviter les interactions néfastes ou dangereuses ; elle permet aussi aux techniciens chargés de la construction et des futures réparations d’avoir toujours accès aux informations des bâtiments.
Cette méthode ne se limite cependant pas à cette modélisation et intègre les informations géographiques, les propriétés des éléments de construction et une arborescence spatiale de cette dernière. Ainsi, chaque corps de métier peut se reporter à une unique maquette numérique, ce qui évite les pertes de données ou les calculs obsolètes.
Le BIM intervient donc bien en amont du premier coup de pioche. Le bâtiment est testé et analysé, les différents coûts en jeu – matériaux, main d’œuvre, consommation future du bâtiment – sont optimisés. Les logiciels BIM intègrent d’autre part les normes en vigueur sur le lieu de construction (réglementations française et européenne, contraintes régionales ou en fonction du secteur, etc.).
Le BIM comporte différents niveaux de développement. Son niveau 2 fait ainsi intervenir un nouveau type de fichier, les IFC. Les différents modèles conçus par les architectes et ingénieurs se trouvent ici combinés en un modèle graphique unique. Ce dernier est complété par des informations relatives à l’utilisation ou la maintenance de l’ouvrage, consultables durant tout le cycle de vie du bâtiment.
À partir d’un BIM de niveau 2, il est possible d’optimiser de nombreux processus d’architecture et de construction et de répondre à l’obligation de limiter l’empreinte énergétique des nouvelles constructions. La réglementation thermique française de 2012 impose, par exemple, un seuil maximal de 50kWh/m2/an, soit 2 à 4 fois moins que la réglementation de 2005. Le diagnostic de performance énergétique du bâtiment peut être directement simulé au regard de cette norme via le BIM.
En France, 58 % des logements (soit 19 millions) consomment 2 à 3 fois plus d’énergie qu’un bâtiment moderne. Ces constructions, bâties dans leur majorité avant 1975, représentent 75 % de la consommation d’énergie du secteur et doivent être rénovées pour correspondre aux normes européenne et française.
Les dernières versions des logiciels BIM intègrent ainsi les calculs énergétiques relatifs à la climatisation et au chauffage en fonction des matériaux utilisés grâce au format Green Building XML.
Il est aussi possible de visualiser les équipements d’alarme et de sécurité, ainsi que les outils de maintenance et de sécurité incendie. Une maquette BIM est compatible avec les outils classiques de la CAO pour faire des simulations thermiques ou des tests d’ensoleillement dans le cadre de la mise en place de panneaux solaires.
Intégrer cette nouvelle méthode peut s’avérer complexe et bouleverse nombre de métiers. Le BIM n’est par exemple pas encore utilisé par défaut par tous les acteurs, et la non-présence d’un corps de métier rend un modèle BIM incomplet et parfois inutilisable.
La mise en commun d’informations par différents corps de métier posent en outre des problèmes d’ordre législatif au regard de la possession des données. Si le BIM offre de nombreux avantages, ses inconvénients liés au manque de spécialistes et à l’utilisation des données rendent son utilisation parfois trop complexe.
Pour dépasser ces limites, le gouvernement a lancé en 2014 le plan « Transition numérique dans le bâtiment » pour fournir aux acteurs du bâtiment les ressources nécessaires pour la compréhension du BIM. Un kit BIM, encore appelé « Carnet numérique du logement », cherche à sensibiliser les acteurs et le public.
Une bonne utilisation du BIM requiert des mois de pratiques et un nouveau métier, « BIM manager », a ainsi vu le jour. Si ce titre n’est pas encore reconnu en France, de nombreuses formations proposent des spécialisations dans le BIM et la construction intelligente. Des MOOC et des formations complémentaires sont également disponibles.
Guillaume Guérard, Enseignant-chercheur, département « Nouvelles énergies », ESILV, Groupe Léonard de Vinci
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.