En 2015, un sondage réalisé dans le cadre de la Fête de la nature révélait que 96 % des Français interrogés percevaient la nature comme un « lieu de bien-être et de ressourcement ».
Aujourd’hui, l’avalanche de livres à ce sujet – entraînés par le best-seller La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben (2017) –, la sylvothérapie (se ressourcer en forêt) qui réunit de plus en plus d’adeptes ou encore la multiplication des salons « nature et bien-être » sont tout autant de signes que nous ressentons un besoin de vert dans nos vies de plus en plus urbanisées.
Alors que l’hypothèse d’un lien entre le bien-être humain et la nature est depuis longtemps admise, des recherches menées dans des domaines d’étude aussi variés que la médecine, la psychologie, ou encore les sciences cognitives valident effectivement cette théorie. Il faut aussi prendre en compte les bouleversements sociaux et environnementaux des dernières décennies qui impactent la nature et nos relations avec elle.
Récemment, des chercheurs ont dressé un panorama des différents axes de recherche explorés et des résultats autour de la thématique du bien-être humain et de la nature. La notion de bien-être, telle qu’entendue ici, ne se rapporte pas seulement à la santé, en tant qu’absence de maladie, mais désigne plus généralement un état physique, mental et social de bien-être.
Être au contact de la nature favorise notre bien-être physique et psychologique.
Plusieurs études observent une réduction du stress et de la dépression, favorisée par l’environnement naturel et, à l’inverse, une amélioration de l’estime de soi, du sentiment de bonheur ou encore de la créativité.
La nature soigne nos maux et, plus que cela, elle améliore aussi nos capacités et nos fonctions cognitives, en réduisant la fatigue et en restaurant notre capacité d’attention, si sollicitée par la vie quotidienne. Elle participe également à notre bien-être physique : réduction de la douleur, de la pression artérielle, de l’obésité ou encore accélération de la guérison et prévention de certaines maladies.
En somme, la nature n’est pas simplement un substrat nécessaire dans lequel s’enracinent les cultures humaines, mais un terreau qui influence nos vies au quotidien et qui, peut-être, est justement ce qui permet à ces cultures de croître et de se développer.
La nature dont il est question peut prendre des formes très diverses : il peut s’agir d’éléments de nature (des pierres, de l’eau, du vent), de faune, de flore, de paysages (mer, montagne, forêt), qui n’appartiennent pas nécessairement à une biodiversité qui agit dans un écosystème défini.
Par exemple, en 1984, une étude montrait déjà que des patients possédant une fenêtre sur l’extérieur guérissaient plus rapidement à la suite d’opérations que d’autres patients ne bénéficiant pas d’une telle vue.
Suffit-il de quelques plantes vertes ou d’une photographie de la mer pour ressentir les bénéfices de la nature ? La question est d’importance puisqu’elle a potentiellement des conséquences en termes de choix de protection environnementale et de politique de santé publique.
Les études convergent vers l’idée qu’une nature en bonne santé, c’est-à-dire riche en biodiversité et fonctionnelle, assure une bonne santé humaine.
Cette constatation peut sembler évidente, pourtant, la convergence plus systématique des débats entre les problématiques environnementales et sociales est assez récente. La médiatisation des discussions autour du renouvellement de la licence européenne du glyphosate, un herbicide massivement employé en agriculture, ou plus largement l’explosion de la demande de produits biologiques, reflètent la sensibilité croissante de l’opinion publique à ces enjeux. Lorsqu’il s’agit d’une exposition directe ou via l’alimentation, la relation entre des systèmes naturels dégradés et des effets négatifs sur la santé humaine est facile à envisager.
La plus-value sur la santé et le bien-être, apportée par un environnement riche par rapport à des éléments de nature épars, doit encore être explorée.
Un domaine dans lequel les bénéfices fournis par l’exposition à des environnements riches en biodiversité s’illustrent clairement est celui des allergies chroniques et des maladies inflammatoires. L’exposition à une multiplicité d’habitats naturels permet normalement le développement de réponses immunitaires aux allergènes et à d’autres facteurs susceptibles de causer des maladies. L’absence d’exposition aux microbes, surtout dans la petite enfance, peut entraîner un mauvais acclimatement de la communauté microbienne de l’organisme, et une réaction inattendue face à certaines particules.
L’environnement des individus doit donc comporter une source diversifiée de microbes permettant une inoculation adéquate.
Selon l’hypothèse dite de biodiversité, la baisse de l’exposition humaine à la population microbienne affecterait le microbiote, ce qui entraînerait le développement de différentes maladies.
L’enjeu actuel réside dans le fait qu’une nature en bonne santé ne se résume pas à un environnement dépourvu de produits chimiques. La destruction des habitats naturels et des espèces, la surexploitation des ressources ou encore le changement climatique sont également des facteurs d’origine humaine qui contribuent à rendre la nature moins diversifiée et altèrent son fonctionnement ; et par ricochet, mettent en péril notre santé et notre bien-être.
Dans quelles relations avec la nature faut-il être engagé pour en percevoir les bénéfices ? Faut-il la regarder ou bien la toucher ? Et avec quelle régularité ?
Ici encore, les questions ont leur importance, car elles s’inscrivent dans un contexte contemporain de changement des relations à la nature, du fait des modes de vie urbaine et sédentaire. Nous passons de moins en moins de temps à l’extérieur et, pour la plupart d’entre nous, dans un environnement naturel appauvri, au point que certains auteurs parlent à ce sujet « d’extinction de l’expérience ».
Les paramètres qui influencent le bien-être humain sont parfois difficiles à isoler de l’ensemble des expériences vécues des sujets. C’est pourquoi certains auteurs proposent comme cadre de recherche le concept de « dose » de nature, permettant d’associer des durées, des fréquences et des intensités différentes d’expériences et d’exposition à la nature. Les différents paramètres qui composent cette « dose » sont ensuite traités en fonction de la santé des individus. L’importance des bénéfices issus de la relation à la nature dépendrait ainsi de la dose de nature reçue.
Néanmoins, la complexité des mécanismes des bénéfices naturels au bien-être humain échappe encore à la compréhension. Pourquoi la nature nous fait-elle du bien ? À cette question, l’hypothèse de « biophilie » est avancée, postulant que l’être humain possède une tendance innée à rechercher les connexions avec la nature et d’autres formes de vie. Cet intérêt pour la nature serait le produit d’une évolution biologique permettant la meilleure adaptation possible à l’environnement.
La diminution rapide des habitats naturels et l’effondrement de la diversité des espèces animales et végétales renvoient à un inquiétant scénario concernant le bien-être humain. De plus, les modes de vie contemporains se traduisent, pour un grand nombre d’individus, par une exposition directe plus faible à l’environnement naturel.
Si notre bien-être dépend en partie de la qualité de notre lien à la nature, on peut s’interroger sur les conséquences humaines et environnementales de cette « déconnexion » qui s’amorce. Pour inverser cette tendance, le développement des recherches scientifiques doit s’accompagner de la mise en place d’actions de terrain.
Il est nécessaire de repenser l’approche des politiques de gestion, notamment dans le domaine de la planification urbaine, où il paraît urgent d’amener la nature en ville, de protéger et de favoriser la biodiversité dans ces espaces.
Parallèlement, le champ de l’éducation porte aussi une responsabilité dans la prise de mesures pour encourager les jeunes à développer et entretenir des relations avec la nature le plus tôt et le plus régulièrement possible.
Alors que la préservation de la biodiversité peine à s’inscrire dans les agendas, la reconnaissance de la santé et du bien-être humain comme un élément strictement dépendant de conditions environnementales favorables pourrait être un argument décisif.
Alix Cosquer, Chercheuse en psychologie de la conservation, Université de Bretagne occidentale
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.