Pékin, Mexico, Delhi, Paris et Londres ont connu ces derniers mois de dangereux pics de pollution. Ces villes sont loin d’être des cas isolés : l’Organisation mondiale de la santé indique que 92 % de la population urbaine mondiale respire un air toxique.
En Inde, une étude a montré que 41 villes comptant plus d’un million d’habitants souffraient d’une mauvaise qualité de l’air 60 % des jours étudiés. Et pour trois villes – Gwalior, Varanasi et Allahabad – pas un seul jour de bonne qualité de l’air n’a pu être répertorié.
Pour ce qui est du continent africain, l’air pollué a été identifié comme ayant causé 712 000 morts prématurées – c’est bien plus que l’eau non potable, la malnutrition infantile ou encore le manque d’hygiène.
En Europe, il a été montré qu’environ 85 % de la population urbaine était exposée aux particules fines (PM2,5), responsables d’environ 467 000 décès prématurés dans 41 pays du continent.
Mais il n’y a pas que des mauvaises nouvelles : 74 grandes villes chinoises ont ainsi vu leur taux annuel moyen de concentrations en particules fines, dioxyde de soufre et dioxyde d’azote baisser depuis 2014, même si la « guerre à la pollution de l’air » menée par Pékin est la cible de critiques.
Les impacts de la pollution de l’air sur la santé sont bien connus ; mais récemment, de nouvelles recherches ont indiqué l’existence de liens entre la pollution de l’air et les maladies neurodégénératives ainsi que la maladie d’Alzheimer ; l’exposition à cette pollution équivaudrait à un tabagisme passif de 6 cigarettes par jour. L’air pollué a également été pointé du doigt dans l’augmentation des accidents de la route : les polluants de l’air perturberaient les conducteurs en provoquant des irritations au niveau du nez et des yeux.
Ce sont souvent les jeunes, les personnes âgées et les populations les plus défavorisées qui souffrent le plus de la pollution de l’air. Elle serait ainsi responsable de la mort de 600 000 enfants de moins de 5 ans chaque année. Les minorités ethniques se trouvent de même plus fréquemment exposées que les autres groupes.
La pollution de l’air affecte de même le climat à l’échelle régionale, ce qui ne manquera pas d’avoir un effet sur les ressources en eau et la productivité des écosystèmes. Prenons le noir de carbone, par exemple, cette particule générée par la combustion des carburants fossiles (comme le diesel) et de la biomasse. En plus d’affecter la santé humaine, il est responsable de la fonte des glaces dans l’Himalaya et le Plateau tibétain. Les dépôts de noir de carbone sur la neige et la glace assombrissent en effet les surfaces, ce qui conduit à une plus grande absorption des rayons du soleil et à une fonte accélérée.
Des travaux conduits par la Banque mondiale avancent que le coût des morts liées à la pollution de l’air s’élèverait à 225 milliards de pertes au niveau des revenus tirés du travail ; et plus de 5 milliards de pertes d’aides sociales. L’OCDE a prévu pour sa part que les coûts de santé liés à ce problème passeront de 21 milliards en 2015 à 176 milliards en 2060. Et d’ici à cette période, le nombre annuel global de jours travaillés perdus affectant la productivité pourrait atteindre les 3,7 milliards (il est actuellement de 1,2 milliard).
Face à cette situation, des initiatives pour le moins créatives ont été lancées ces derniers mois. À Londres, des pigeons voyageurs ont ainsi pris leur envol, équipés de capteurs pour mesurer la pollution de l’air, le tout relié à un compte Twitter dans le but de sensibiliser le public et les autorités. Amsterdam aussi a eu recours aux oiseaux, avec une cabane connectée indiquant la qualité de l’air tout en offrant du « Treewifi » gratuit !
D’autres initiatives ont inclus la diffusion d’inhalateurs bon marché visant à protéger les poumons ; il y a aussi eu l’installation d’une tour de 7 mètres à Pekin pour purifier l’air.
Faire prendre conscience de la gravité de ce problème, de ses causes et de ses effets, est essentiel, car nous ne sommes pas seulement les victimes de cette situation, nous y contribuons également. De nombreux projets à destination des citoyens ont ainsi vu le jour, comme à Anvers où les habitants ont mesuré la pollution de l’air liée à la circulation ; et en Caroline du Nord, les citoyens étaient invités à mesurer le taux de particules dans l’air.
Dans certains cas, cette mobilisation a conduit à une action, comme celle initiée par ClientEarth qui a poursuivi le gouvernement britannique en justice pour son incapacité à se saisir du problème.
En 2016, les Nations unies se sont emparées de cette question, avec notamment la campagne Breathe Life qui vise à améliorer la qualité de l’air pour en tirer des avantages sanitaires, mais aussi sociaux, environnementaux et économiques.
Fin 2016, les maires de Paris, Mexico, Madrid et Athènes ont affiché leur intention de débarrasser leurs villes des véhicules diesel à l’horizon 2025, tout en développant leurs infrastructures pour les piétons et les cyclistes. En Asie, un programme de certification a été mis en place pour encourager les villes à réaliser des progrès dans l’amélioration de la qualité de l’air.
Ces derniers mois nous ont ainsi montré à quel point ce fléau touchait aussi bien les pays développés que les pays émergents. Un fléau contre lequel il faut agir dès maintenant.
Gary Haq, Senior Research Associate in Sustainable Development amd Human Ecology, University of York
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.