Le confinement auquel nous sommes soumis depuis le mardi 17 mars à midi va augmenter mécaniquement notre exposition aux contaminants présents dans le logement.
La première raison est que nous y passerons, évidemment, plus de temps. Nous serons également plus nombreux à y vivre, et donc à y exercer certaines activités potentiellement émissives de polluants (bricolage…), ou bien d’humidité (douche).
Pour améliorer la qualité de l'air intérieur de votre domicile, ne vous fiez pas aux produits dits « purifiants » (antiallergènes, antiacariens, antibactériens en diffuseurs ou aérosols) , qui ne sont pas une solution !
Loin d’assainir la maison comme le prétendent fabricants et vendeurs, ils décuplent en réalité la pollution intérieure – même chose pour les encens et bougies parfumées.
S’il ne suffit donc pas de faire « pschitt » pour respirer sain chez vous malgré l'enfermement, que faire pour s’assurer de la bonne qualité de son air ambiant ? Reprenons les quatre grands principes édictés par la revue spécialisée Indoor Air pour préserver la qualité de l'air intérieur. Certains sont particulièrement d'actualité.
En premier lieu, donc, limitons encore plus que d'habitude les émissions pour ne pas exposer plus de personnes.
Toute combustion non ou mal contrôlée est à proscrire : cigarette bien évidemment, mais aussi d’autres émetteurs de contaminants aériens comme les bougies et les encens… Mais si l’on ne devrait rien faire brûler dans sa maison pour qu’elle sente bon, il n’est pas non plus recommandé de se fier les yeux fermés aux parfums chimiques ou épurateurs d’air.
Pour les odeurs, mieux vaut donc les éviter que les masquer ! D’ailleurs, vous devrez redoubler les efforts de ménage (en limitant les produits parfumés, avec serpillière et/ou un aspirateur doté d’un filtre à haute efficacité). En effet, les composés dits semi-volatils (plastifiants, retardateurs de flamme, pesticides…) trouvent refuge dans la poussière pour ensuite se revolatiliser. Une fois le ménage terminé vous pourrez ranger vos produits dans une pièce non occupée ou, à défaut, une pièce ventilée.
Vigilance également à l’endroit des pesticides appliqués sur les plantes et les animaux. Car nous finissons par les inhaler, les ingérer via le contact des mains avec les surfaces et poussières, puis des mains avec la bouche. Les enfants sont ici tout particulièrement concernés. Enfin, évitons quelques temps les activités peinture alors que tout le monde est à la maison !
Pour ce qui est des contaminants biologiques, des travaux publiés dans la revue Pollution atmosphérique donnent des conseils pratiques aux amis des bêtes et aux ennemis des acariens et des moisissures.
Et bien sûr, le contrôle à la source est à privilégier pour éviter des concentrations excessives, l’exemple ultime et funeste étant le monoxyde de carbone émis par des chauffe-eau défectueux ou des chauffages de fortune responsables d’une centaine de décès par an.
L’augmentation du nombre de personnes dans certains foyers va conduire à un accroissement des douches.
Il existe aujourd’hui un solide corpus de connaissances épidémiologiques établissant un lien entre l’humidité des logements et le risque de survenue de troubles respiratoires ou allergiques comme l’asthme, les infections respiratoires, la toux, les rhinites allergiques…
Si les agents causaux (moisissures, champignons…) ne sont pas tous identifiés, il est intéressant de noter que les troubles sont associés aux signes visibles d’humidité et de moisissure, ce qui permet de déclencher aisément des actions.
Celles-ci reposent sur la limitation et l’aspiration des émissions de vapeur d’eau et la ventilation. Il faut aussi mentionner des facteurs liés au bâtiment lui-même, échappant donc plus ou moins à l’occupant. Par exemple, l’enveloppe de l’habitation doit protéger de l’humidité extérieure (on veillera donc à ce que les matériaux ne soient pas stockés dehors pendant le chantier de construction) et également éviter la condensation ; ce dernier conseil vaut pour les climatiseurs qui doivent éviter la condensation de l’air extérieur.
L'aération régulation participe aussi à limiter l’apparition de moisissures.
La ventilation, si elle est suffisante et efficace, permet d'éviter l’accumulation des émissions inévitables liées aux occupants eux-mêmes.
Elle ne saurait cependant être un moyen de compenser des émissions excessives évoquées plus haut. Assurez-vous donc de son bon fonctionnement en suivant ces gestes simples.
Si nécessaire, augmenter la ventilation et aérer, en particulier avant l’occupation d’une pièce pour une longue durée (chambre avant la nuit par exemple) en cas d’activité polluante.
Ce dernier principe est celui dont l’application nous échappe sans doute le plus en tant qu’occupant, puisque la qualité de l’air extérieur dépend d’actions collectives et d’innovations techniques sur des dispositifs de filtration (ou d’isolation des émanations du sous-sol dans les régions granitiques émettrices de radon).
On peut bien sûr y contribuer par des modes de transport moins émissifs et en ne plantant pas d’espèces émettrices de pollens allergisants. Pour aérer son logement, on préférera donc éviter les heures de pointe de trafic automobile en ville et la journée en période de pollinisation. En l'occurrence, avec la réduction de l’activité et donc du trafic automobile, l’air extérieur sera moins pollué par les polluants d’origine automobile ! Profitons-en sans en abuser, les pollens étant désormais de retour…
Bien sûr, l'application de ces règles ne relève pas de notre seule responsabilité d'habitant : la mise sur le marché des produits, l’édiction de règles constructives, la réduction des pollutions extérieures ou encore l’obligation d’information des consommateurs relèvent de l’action publique. Ceci étant dit, nous restons en règle générale maîtres chez nous de l’air… que nous polluons puis respirons. Heureusement, les bons gestes ne sont pas contre-intuitifs et le bon sens y trouve son compte en cette période toute particulière.
Philippe Glorennec, Professeur en expologie et évaluation des risques, École des hautes études en santé publique (EHESP)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.