Nous la pratiquons tous les jours et en connaissons les multiples bienfaits. La marche peut être sportive ou utile pour se rendre au travail. En ville, pourtant, sa pratique s’avère parfois difficile en fonction des caractéristiques de l’environnement urbain.
Depuis quelques années, en Amérique du Nord notamment, de nouveaux outils se proposent d’évaluer la « marchabilité » des espaces citadins. En quoi une ville est-elle plus marchable qu’une autre ? Et en quoi cette question est-elle devenue un réel enjeu pour les pouvoirs publics ?
Comme la voiture, les transports en commun ou le vélo, la marche est un mode de déplacement largement utilisé. Diverses enquêtes montrent d’ailleurs qu’elle arrive en seconde position comme mode de déplacement dans plusieurs agglomérations françaises. Au sein de l’agglomération parisienne, la marche est même le premier mode de déplacement des Franciliens, devant l’automobile, avec une moyenne de 1,5 déplacement à pied par jour. C’est la championne des courtes distances – généralement moins d’un kilomètre.
Plus on s’éloigne des centres urbains, plus la marche – avec l’accroissement des distances entre domicile et travail ou loisirs – est délaissée, notamment au profit de la voiture.
On note par ailleurs que dans le cadre des déplacements hebdomadaires, la marche a perdu du terrain. Selon une enquête conduite en 2010, la part de la marche durant la semaine en France a en effet fortement reculé. Elle est passée de 34 % en 1982 à 22 % en 2008, au profit de la voiture (de 49 % à 65 % durant cette même période).
La marche possède de nombreuses vertus : perte de poids, réduction du risque de maladies chroniques comme le diabète, diminution du stress…
C’est aussi le mode de déplacement le plus économique – et ainsi le plus accessible à tout âge et tout milieu social – par rapport au vélo (qui nécessite l’achat ou la location) et les transports en commun (abonnement forfaitaire, etc.). Marcher permet également de ne pas émettre de gaz à effet de serre, contrairement aux véhicules motorisés, et de contribuer à la réduction des embouteillages en centre-ville.
Certains obstacles compliquent cependant cette pratique vertueuse ; en ville, les piétons se trouvent ainsi particulièrement exposés à certains risques, comme les intersections de voies où la circulation est dense ; on sait ainsi que 53 % des piétons montréalais blessés entre 1999 et 2008 l’ont été dans ce type de configuration. On peut également citer des conditions de marche rendues dangereuses à cause d’un mauvais revêtement ou d’une signalisation de la chaussée défectueuse.
Depuis le début des années 2000, les conditions de marche sont évaluées grâce à des outils dits de « marchabilité ». Cette pratique n’est en effet pas toujours possible d’une rue à l’autre, les environnements urbains pouvant fortement varier et impacter les conditions de marche.
Divers éléments peuvent être pris en compte pour procéder à cette évaluation : la largeur du trottoir, la présence d’obstacles fixes, le degré de pente d’une rue, la présence d’un passage piéton à une intersection, etc.
Parmi les outils développés dans le contexte de travaux nord-américains, on peut citer le PEDS, développé par deux chercheurs de l’Université du Maryland ; il s’intéresse à tout type de piéton et évalue la marchabilité à partir de 31 critères. Il y a aussi le MAPPA, mis au point par deux chercheurs de l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Montréal ; celui-ci s’intéresse principalement aux personnes âgées et joue sur 42 critères.
Citons enfin le IMI, instauré par des chercheurs des universités d’Irvine et du Minnesota ; ce dernier s’intéresse à tout type de personnes et procède à une évaluation élargie à partir de 162 critères, allant de l’accessibilité à la perception de la sécurité.
Depuis peu, ces différents outils sont en train d’être adaptés à des contextes urbains particuliers, comme les villes françaises par exemple.
D’autres façons d’évaluer cette marchabilité urbaine ont également vu le jour ces dernières années. C’est notamment le cas de l’application en ligne Walk Score, qui permet d’examiner ces conditions à l’échelle d’une ville, d’un quartier ou d’une rue.
Contrairement aux outils scientifiques cités précédemment, basés sur une évaluation visuelle, cette application calcule automatiquement la marchabilité grâce à un score sur 100 points à partir de critères liés à la proximité de différentes aménités urbaines (commerces, parcs, écoles). Ce ne sont donc pas ici les conditions de marche liées aux caractéristiques de l’environnement urbain qui comptent, mais plutôt les possibilités de déplacements à pied compte tenu des proximités géographiques.
Un quartier urbain où la marche est facilitée grâce à une densité de commerces, de parcs, d’équipements publics peut ainsi être vu comme un moyen de redynamiser un espace et faire ainsi face, par exemple, à la fuite des ménages avec enfants vers la périphérie.
« Marchabilité » et « qualité de vie » deviennent ainsi intimement liées et constituent des objectifs de développement local et d’attractivité territoriale, tout particulièrement pour séduire une population jeune et active et permettre aux personnes âgées de continuer à vivre chez elle.
François Raulin, Ingénieur de recherche à l’Institut du développement territorial (IDéT), Laboratoire Métis, École de Management de Normandie
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.