Après des années de tergiversations, les négociations européennes pour un nouveau règlement sur le chalutage profond ont repris cette semaine.
Lors d’une réunion de la Commission des pêches du Parlement européen (PECH) mi-avril, son président Alain Cadec avait informé les membres qu’un nouveau cycle de négociations aurait lieu le 26 avril puis le 24 mai. Une occasion pour le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (UE) de parvenir, enfin, à un accord sur le chalutage de fond dans l’Atlantique Nord-Est.
L’UE dépense actuellement plusieurs millions d’euros chaque année pour subventionner une flotte que beaucoup considèrent non viable économiquement.
En cause, ces chalutiers qui traînent de grands filets sur les fonds marins, détruisant tout sur leur passage, y compris les coraux et les éponges qui nécessitent des milliers d’années pour se développer. L’UE reconnaît d’ailleurs elle-même que le chalutage « représente le risque le plus élevé de détruire les écosystèmes marins vulnérables et irremplaçables ».
En dehors de la destruction des écosystèmes, certains experts considèrent que l’exploitation des poissons ciblés par le chalutage profond ne pourra jamais être durable. Les espèces ont en effet pour la plupart, une longue durée de vie, des taux de reproduction extrêmement lents ; le taux de prises accessoires, c’est-à-dire la partie indésirable ou non ciblée des captures des pêcheurs, est par ailleurs extrêmement élevé.
Le grenadier de roche et la lingue bleue, deux espèces ciblées par les chalutiers industriels, ont été placés l’année dernière sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et l’UE reconnaît que ce type de pêche « implique des niveaux élevés de prises accessoires », une moyenne de 20 à 40 % du poids débarqué.
La réglementation aujourd’hui en vigueur a été reconnue comme inefficace et en juillet 2012 la Commission européenne a proposé l’élimination progressive du chalutage de fond. Pourtant, en décembre 2013, un vote en ce sens au Parlement européen a échoué de quelques voix (342 à 326 avec 19 abstentions). Une bataille interminable a suivi.
Les États membres divisés, le processus législatif a progressé lentement et a été ponctué par de nombreux retards. Si les discussions entre les 28 ministres de la pêche ont commencé en 2014, le processus ne s’est accéléré que très récemment, sous la présidence du Luxembourg.
Une pétition lancée par l’association Bloom, qui a plaidé sans relâche pour l’interdiction du chalutage profond, a recueilli près d’un million de signatures. Cela a contribué à un changement dans l’opinion, en particulier de la part de la France, longtemps opposée à toute forme d’interdiction.
En novembre dernier, le Conseil de l’UE a proposé certaines mesures visant à encadrer la pêche profonde, y compris l’interdiction du chalutage de fond en dessous de 800 mètres de profondeur. Certains experts continuent de penser que cette mesure est insuffisante et préconisent une limite de 600 mètres.
Sous la pression de l’Espagne, le Conseil a supprimé les eaux internationales de la proposition, ce qui reviendrait poursuivre le chalutage de fond en dessous de 800 mètres pour ces espaces.
La finalisation d’un accord est une priorité pour la présidence néerlandaise actuelle du Conseil. Avec l’aide de la Commission, le Conseil et le Parlement vont maintenant tenter de négocier un compromis dans le cadre d’un « trialogue ».
Une coalition d’organisations non gouvernementales a appelé pour une conclusion rapide de ces négociations. Les ONG demandent une interdiction de la pêche au chalut en dessous de 600 mètres, dans les eaux sous et au-delà des juridictions nationales. Selon eux, le règlement devrait également prévoir des évaluations d’impact et de fortes sanctions en cas de non-conformité.
Mi-avril, le président de PECH a appelé le rapporteur, Isabelle Thomas, et les autres eurodéputés impliqués, à parvenir à un accord avec le Conseil le plus tôt possible. L’océan profond est aujourd’hui à la croisée des chemins. Lors des deux prochains mois, l’UE aura l’occasion de protéger l’un des espaces les plus riches et vulnérables de notre planète.
Glen Wright, Research Fellow, Iddri et Elisabeth Druel, Ex-chargée d’études sur la gouvernance de la biodiversité marine, Iddri
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.